Interview de Pascale

J’ai eu une enfance heureuse, loin des soucis de l’handicap, si ce n’est des interventions chirurgicales et de la kiné. J’avais entendu à 8 ans que je n’aurais jamais d’enfants, ce qui assombrissait mon idée d’avenir. Où est l’intérêt de vivre si je ne pouvais avoir la vie des autres femmes? Mais ces idées noires…
J’ai eu une enfance heureuse, loin des soucis de l’handicap, si ce n’est des interventions chirurgicales et de la kiné. J’avais entendu à 8 ans que je n’aurais jamais d’enfants, ce qui assombrissait mon idée d’avenir.
Où est l’intérêt de vivre si je ne pouvais avoir la vie des autres femmes? Mais ces idées noires ne faisaient que passer.
A 10 ans, j’ai dû porter une attelle! Panique, mon handicap évolue, comme on me l’avais si gentiment promis! Les troubles urinaires ont empoisonnés ma 11ème année, qui s’acheva en une intervention ne donnant pas le résultat escompté: reprise normale de ma vie urinaire! J’ai donc appris à me sonder moi-même. Je n’ai ainsi pas connu longtemps les langes.
Avec le temps, j’ai appris à vivre mon incontinence qui semble être bien plus partielle que certains ayant le spina. Lors de stress ou de plaisir sexuel, ma vessie se relâche. Pour le reste du temps, je parviens assez bien à sentir quand je dois uriner. J’ai appris à avoir un pouvoir sur cette vessie « capricieuse » en respirant pour détendre l’envie d’uriner lors de stress ou en pressant entre le sexe et l’anus lors de l’envie sexuelle. A 14 ans, j’ai fracturé mon col du fémur.
Depuis, je marche en béquilles. J’ai également eu mes menstruations à cet âge-là. On m’a dut que c’était une chance! J’ai beaucoup souffert adolescente des limites de cet handicap, mais aussi de l’image que je croyais refléter. Je me faisais arrêtée dans la rue par des petites vieilles qui me racontait leur chute dans l’escalier. Les regards insistants, les gens qui se retournent à mon passage, les phrases d’enfant qui pensait que je skiais me rappelaient sans cesse ma différence. J’avais du mal à imaginer qu’un garçon s’intéresserait à une fille comme moi.
Le temps m’a montré que je plaisais plus que je pouvais l’imaginer. J’ai appris à connaître mon corps. Mes premières relations sexuelles étaient fort décevantes, car je cherchais le plaisir comme devait le connaître la majorité des femmes. Cependant, ma première relation était fort sensuelle, j’y ai donc appris les caresses. C’est n’est qu’une dizaine d’années après que j’ai accepté ma sexualité différente, axée sur les caresses. Après tout, le but est de se faire du bien.
Durant ces années, j’ai appris à apprivoisé mon corps et l’image que j’en avais. Je détestais ce corps déformé par les cicatrices (une bonne quinzaine à mon actif! hi hi), incapable de m’offrir le plaisir imaginé, ce corps par lequel j’ai eu mal (toutes ces interventions), ce corps par lequel j’ai été torturée… J’ai compris que je n’avais jamais vraiment posséder mon corps: aucun contrôle sur l’évolution de l’handicap et abandon aux médecins et à mes parents de ce corps (pour qu’on me laisse tranquille). Au début de toute relation, j’étais dans un contrôle permanent puisque plaisir signifiait perte d’urine. Puis, j’ai compris que mes compagnons n’étaient pas aussi incommodés que moi par mes « accidents » urinaires, car ils y voyaient mon plaisir et mon lâcher-prise.
Avant d’avoir mon petit garçon, j’ai été faire des examens génétiques. Pas plus de risques qu’une autre femme d’avoir un enfant handicapé, le gêne de l’handicap n’était pas dominant. Mon compagnon et moi nous sommes lancés dans l’aventure, avec les précautions de rigueur: acide folique trois mois avant conception, examen plus attentif au niveau de la colonne vertébrale de l’embryon, césarienne pour ne pas trop écarté le bassin…
Mon petit garçon est en parfaite santé, ainsi que sa petite sœur (qui elle, n’a pas eu le temps de bénéficier de l’acide folique aussi tôt, car elle n’était pas prévue). J’ai actuellement 35 ans et ma vie est bien plus belle que je l’imaginais (plus belle aussi que les « prédictions » des médecins). Je suis une femme épanouie et une mère comblée par mes deux enfants.
Pascale.
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