Interview d’André : l’adoption

Adolescent, puis jeune adulte, je m’étais bien posé des questions sur les répercussions de mon incontinence sur ma vie sexuelle et mes capacités de procréation. Cependant, je n’avais jamais posé la question à quiconque. Et personne ne m’en avait jamais parlé non plus… Un jour, je devais avoir un vingtaine d’années, j’apprends par la fille…
Adolescent, puis jeune adulte, je m’étais bien posé des questions sur les répercussions de mon incontinence sur ma vie sexuelle et mes capacités de procréation.
Cependant, je n’avais jamais posé la question à quiconque. Et personne ne m’en avait jamais parlé non plus… Un jour, je devais avoir un vingtaine d’années, j’apprends par la fille d’amis de mes parents qu’elle a entendu dire chez elle que je ne pourrai pas avoir d’enfants. La révélation inattendue ! Rendez-vous est pris immédiatement auprès de l’urologue qui me suit.
Quelques jours plus tard, le spermogramme apporte le verdict : trop peu de spermatozoïdes, en outre pas très courageux. Peutêtre la faute au port de langes pendant plus de vingt ans ? Qu’à cela ne tienne, conclusion de l’urologue : « Ainsi, tu ne cours pas le risque d’éventuellement transmettre le spina bifida à ta descendance… ». Ouais… C’est une manière de voir les choses ! Dès ma rencontre avec celle qui allait devenir mon épouse, Brigitte, je lui ai évidemment partagé cet obstacle. « Pas grave, nous en adopterons, alors ! », at-elle dit.
Dans les premières semaines qui ont suivi notre mariage (en 1978), plein d’enthousiasme, mais un brin naïfs, nous avons pris contact avec divers organismes d’adoption. Qui nous apprennent qu’il faut au minimum cinq ans de mariage avant de pouvoir adopter un enfant. La douche froide. Consolation : les démarches, (qui à l’époque duraient environ deux ans) peuvent commencer avant l’expiration de ces cinq années d’attente. Ainsi donc, après trois ans, nous avons repris contact avec ces d’organisations d’adoption et avons entamé la procédure avec celle qui nous offrait le plus d’opportunités de voir notre demande aboutir.
L’idée que mon spina bifida puisse perturber ces démarches n’a jamais effleuré mon esprit. Je ne me souviens même pas qu’il y ait été une seule fois fait allusion lors des multiples entretiens que nous avons eus (assistante sociale, psychologue, …). Un an et demi plus tard, nous avons reçu la nouvelle qu’un petit garçon, Kannan, originaire de Madras (Inde), nous avait été attribué par la Justice indienne. Arrivée prévue : septembre 1983. Dès avant son arrivée, nous avons également entrepris les démarches en vue de devenir « famille d’accueil ».
Là, au contraire de l’adoption, il a suffi de frapper à une seule porte pour recevoir une réponse positive ! C’est ainsi que notre premier enfant en accueil, Michel, est arrivé quelques mois avant que nous ne nous rendions à l’aéroport accueillir celui qui nous était livré « clé sur porte » depuis l’Inde, en vue d’adoption ! Six mois plus tard, les formalités étaient terminées et Kannan est devenu « officiellement » notre premier enfant. Les circonstances ont fait que peu après, nous avons également eu la possibilité d’adopter Michel. Nous voilà alors à la tête d’une famille de deux garçons. Ils ne tardèrent pas à être rejoints par une petite soeur, Christelle, dont nous avons été parents d’accueil pendant douze ans. Et qui aujourd’hui fait toujours partie de la fratrie, et dont nous sommes les parents, si pas sur papier, du moins par les liens affectifs.
Durant une grand partie de ma vie, le secret a entouré mon spina bifida. Si le terme ne m’était pas tout à fait inconnu, il était rarement cité. Comment dès lors apprivoiser un handicap dont le nom est tu? J’avais bien des problèmes du côté des jambes et des pieds, de la vessie et des intestins. Sans jamais vraiment faire des liens entre les trois. Ce n’est que depuis une bonne dizaine d’années que je suis parvenu à percer la carapace (et le secret) qui entourait mon spina bifida. Ceci explique pourquoi, le spina bifida, je n’en ai jamais parlé à nos enfants. Bien sûr, ils réalisaient bien que Papa avait des problèmes. Bien sûr, ils n’étaient pas aveugles « quand papa marche, on dirait une cloche », a dit un jour un de nos enfants. Mais à part dire que c’est comme cela, c’est depuis la naissance,… pas un mot de plus. Et aujourd’hui, alors qu’il m’arrive d’en parler en long et en large, ou d’écrire sur le sujet, aborder le sujet avec les personnes plus proches, y compris les enfants, cela reste le plus difficile. Se défaire d’habitudes enracinées depuis des dizaines d’années, ce n’est pas chose aisée…
André
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