Interview d’André : Des catacombes à la lumière

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« Échos de l’ASBBF n° 1 — Mai 2002Extrait 1 Et l’an 2000 arriva…Jusqu’au début de l’année 2000, je n’avais JAMAIScherché à rencontrer des personnes ayant aussi unSpina Bifida ! Jusqu’alors, j’avais vécu monhandicap comme quelque chose de honteux. Imageque m’en avaient transmis mes parents ?Puisque je pensais qu’il était déshonorant de parlerde mon handicap, j’ai…

18 octobre 2005

« Échos de l’ASBBF n° 1 — Mai 2002
Extrait 1

Et l’an 2000 arriva…
Jusqu’au début de l’année 2000, je n’avais JAMAIS
cherché à rencontrer des personnes ayant aussi un
Spina Bifida ! Jusqu’alors, j’avais vécu mon
handicap comme quelque chose de honteux. Image
que m’en avaient transmis mes parents ?
Puisque je pensais qu’il était déshonorant de parler
de mon handicap, j’ai toujours fui comme la peste
les occasions où j’aurais pu ou dû être amené à en
parler. J’ai toujours pensé que quand j’étalerais mes
problèmes physiques devant quelqu’un, je ne
pourrais que me sentir humilié. Parce que cela
tourne beaucoup autour de l’incontinence, autour
des problèmes urinaires, de selles, de la sexualité ,
bref, des « parties honteuses ». Je m’imaginais que
la réaction de ceux qui m’écouteraient ne pourrait
être que de la pitié, de l’apitoiement, de la
sensiblerie. J’ai toujours fui la réaction de pitié des
gens que je rencontre.
Et ce regard des autres … Tout d’abord, celui bien
réel …
Il y a des jours où, dans la rue, le regard (parfois
insistant) des personnes qui me croisent m’est carrément insupportable. Je voudrais alors disparaître,
rentrer sous terre d’un coup de baguette magique.
Fuir ce regard pas toujours discret ou délicat que
les gens posent sur moi. Ce regard des autres qui
me paralyse… et me ferait changer de trottoir pour
ne pas croiser une file de gens qui attendent devant
l’entrée d’un cinéma.
Et l’autre regard, celui que j’imagine … Que va-t-on
penser de moi si on sait que je suis incontinent ?
Je me souviens ainsi d’une visite médicale alors
que j’étais à l’école primaire… Où le médecin m’a dit
qu’à mon âge, on ne mettait plus de lange… Qu’il
serait temps que mes parents me fassent examiner
par un médecin. Y a pas à dire : ça laisse aussi des
traces… Je me disais : « N’en parlons pas. Ne nous
faisons pas remarquer. Vivons cachés. N’affrontons
pas le regard des autres». Si mon handicap est
quelque chose de honteux, j’ai donc aussi honte de
moi-même… et guère de confiance en moi. Certains
jours, c’est vraiment très difficile à porter. Je cherche alors à éviter les situations où cette différence
serait trop perceptible.
Depuis tout petit, j’ai entendu mes parents dire que
mon handicap vient d’une une intervention
chirurgicale pratiquée à 14 mois et qui a mal
tourné : le chirurgien aurait sectionné les nerfs des
sphincters et touché ceux des jambes., en croyant
enlever un simple kyste graisseux.
JAMAIS personne ne m’avait dit que le SB était
déjà là, à la naissance. Je l’ai appris bien plus tard,
à 23 ans, par la bouche d’un urologue qui m’a
donné quelques précisions sur le Spina Bifida. Ces
termes avaient certainement déjà été prononcés
devant moi, mais ils n’avaient jamais vraiment
imprégné mon esprit. Surtout si on ne m’avait
jamais expliqué ce qu’il recouvrait ! Sentiment de
culpabilité de la part de mes parents ? De honte ?
Même si la vérité n’est pas toujours bonne à dire, il
est des cas où l’absence de vérité est encore pire.
Et peut compromettre bien des relations. Et
façonner une personnalité qui a bien assimilé cette
honte et cette culpabilité…
Comment parvenir à vivre avec son handicap,
comment parvenir à le faire sien, à l’apprivoiser, si
depuis tout petit, on ne met pas le doigt dessus ? Si
au moins, on ne lui donne pas un nom ?
Depuis bientôt 30 ans, intellectuellement, je savais
donc qu’il s’agissait d’un SB. Et pourtant, quel choc
cela a été, en 2001, quand on me l’a montré
clairement sur des clichés d’un IRM. Je crois que
c’est alors seulement que je le l’ai enfin intégré en
moi, que je me le suis approprié.
Et l’incontinence …
Déjà à l’adolescence, je n’osais pas prendre la
liberté de partir avec des copains, ou de déloger.
Les langes jusqu’à 20 ans, et les lavements tous les
deux jours, ce n’était pas très propice pour ce type
d’initiatives.
La nécessité d’utiliser du matériel a fait que, pendant
longtemps, je n’ai pas osé partir seul pour plusieurs
jours. Mes vacances ? Je les passais toujours avec
mes parents, et plus tard, avec mon épouse.
Et ce silence quant à la sexualité …
Personne ne m’avait jamais parlé des
répercussions de mon handicap dans le domaine
sexuel. Pourquoi personne n’y a-t-il jamais pensé ?
Mes parents, les médecins ? Surtout qu’ils étaient
au courant de certaines choses, puisque, le bruit
m’était revenu que je ne pourrais pas avoir
d’enfants….
Ma rencontre avec Brigitte
Et pourtant, il y eut cette rencontre avec Brigitte, qui
allait devenir mon épouse.
Dans les jours qui ont suivi notre rencontre, j’ai écrit
à Brigitte une longue lettre lui expliquant mes
handicaps, ma stérilité. J’avais le sentiment qu’oser
parler de mon handicap avec Brigitte ne serait pas
Échos de l’ASBBF n° 1 — Mai 2002
Extrait 2
Témoignage d’André : Des catacombes à la lumière
insurmontable… même si cela n’était pas facile.
Pourquoi ? Les mystères de la rencontre
amoureuse… Même si nous ne nous connaissions
pas encore depuis longtemps, « quelque chose »
passait entre nous qui me faisait prendre tous les
risques !
En toute confiance, Brigitte a accepté la situation.
C’était une donnée dès le départ : ensemble, nous
ferons « avec ». Est-ce l’état de grâce, le coup de
foudre, l’euphorie des premiers moments qui a fait
en sorte que nous sautions allègrement ces
obstacles ? Peut-être. Rien ne nous paraissait
impossible.
De cette connaissance théorique de mes problèmes
physiques, nous sommes passés à une
connaissance pratique par la découverte de nos
corps. En matière de lavement, entre autres.
L’acceptation de mon handicap jusqu’à cette
pratique me semblait primordiale.
Malgré tout, ce n’est pas ma rencontre avec Brigitte
qui me fera sortir de ma honte.
Peut-être parce qu’à cette époque toute mon
énergie s’était concentrée sur la coupure du cordon
ombilical avec mes parents. C’était déjà un fameux
bouleversement, une fameuse évolution de quitter
la maison et la famille. Alors, le moment n’était
peut-être pas opportun pour, EN PLUS, prendre les
autres problèmes à bras-le-corps ! Et ensuite, on
s’installe et il est alors drôlement plus commode de
suivre ses petites habitudes sans trop se remettre
en question !
Cela ne signifie pas que tout s’est déroulé sans
problème !
Les problèmes d’incontinence, d’insensibilité, … ne
facilitaient guère les relations sexuelles, car elles
débouchent sur une relative impuissance. Des
relations frustrantes deviennent vite démobilisantes
(c’est la débandade…). Dès lors, je marque de
moins en moins d’intérêt pour nos rencontres
intimes. Et je m’abstiens d’en parler avec Brigitte.
Jusqu’au jour, en 1987, où je réalise pleinement
combien Brigitte s’éloigne de moi. Je tombe le cul
par terre. Pourtant, vu mon indifférence à son
égard, l’attitude de Brigitte n’était-elle pas
inévitable ?
Ce fut une période très pénible. Des disputes. Des
engueulades. Des propos très durs. Des portes
claquées. Chez moi, à certains moments, la volonté
de mettre fin à notre vie commune.
Pourtant, nous avons voulu tenter le tout pour le
tout et avons commencé des entretiens avec une
conseillère conjugale. Nous avons pu réentendre
quelles étaient les aspirations de chacun par
rapport au couple. Jusqu’alors, j’avais toujours eu
une vision très fusionnelle du couple. J’ai pu
entendre que Brigitte avait besoin d’espaces de
liberté.
Même si j’ai découvert alors cette autre approche
du couple, il m’a fallu beaucoup de temps « pour me
le permettre ». Et ce n’est pas toujours bien assimilé
chez moi. La preuve, il m’a fallu attendre 1999 pour
me permettre de déloger seul pour la première fois
4 jours en suivant. Utiliser le verbe déloger est tout
à fait significatif de mon état d’esprit…
En 1987, l’implantation du sphincter artificiel a
nettement amélioré la situation en ce qui concerne
l’incontinence. Mais les autres problèmes
subsistent. Après une période plus euphorique, je
retombe à nouveau dans mes travers, en essayant
(vainement) de dissimuler mes problèmes ! J’ai toutes les peines du monde à me détacher de ce que
je me représente comme le modèle type de la
relation sexuelle, que je cherche à copier à tout
prix : me comporter comme un vrai mâle qui part à
la conquête de sa partenaire. … Alors, courageusement, je fuis nos rencontres, qui s’espacent à nouveau de plus en plus…
Un stage et ses déclics
En 1999, l’association dans la quelle je travaillais à
l’époque accueille une jeune étudiante française,
Magali, pour un stage de 3 mois. Parmi les projets
de stage proposés, Magali choisit celui qui
concerne un domaine qui m’est très proche, depuis
plus de 20 ans : le développement de l’épargne de
proximité, en vue du soutien financier de projets
sociaux novateurs !
Petit à petit, nos échanges ont débordé le strict
cadre professionnel. Pour aborder des tas de
sujets : nos régions respectives, la société, l’avenir
professionnel, la famille, les enfants, l’engagement
en couple, la fidélité dans la durée, l’importance de
la communication entre les partenaires, …
Premier déclic…Discerner la tendresse que je
perçois dans sa relation (encore toute jeune…)
avec son ami, me fait redécouvrir ce que Brigitte et
moi avions connu bien plus tôt. Et beaucoup oublié.
D’où mon désir de retrouver cette tendresse avec
Brigitte.
Je raconte à Magali les difficultés que notre couple
a connues. Et je souligne l’importance de la
communication. En même temps, je me rends
compte combien cette communication s’est étiolée
entre Brigitte et moi. Je me dis alors que ce n’est
pas possible. Je ne puis à nouveau risquer de
laisser notre couple partir à vau-l’eau. Je reparle
enfin à Brigitte de mes difficultés lorsque nous
Échos de l’ASBBF n° 1 — Mai 2002
Extrait 3
Témoignage d’André : Des catacombes à la lumière
faisons l’amour. Elle me dit qu’elle se rendait
parfaitement compte de la situation. Pour elle, les
difficultés faisaient partie du package de départ. S’il
est possible d’améliorer la situation tant mieux. Si
non, nous pouvons continuer à vivre avec, en
continuant à nous y adapter. L’important, c’est que
chacun y trouve son épanouissement.
Le fait de reparler avec Brigitte du poids qui me
bloquait fut un soulagement, qui a permis de
retrouver une vie amoureuse bien plus
satisfaisante. A croire que je voulais regagner le
temps perdu, dit Brigitte. Dans des moments de
cafard, elle me dit aussi que ce serait bien si nous
pouvions revenir 20 ans en arrière, pour vivre, avec
la fougue de notre jeunesse, les sensations que
nous éprouvons aujourd’hui… Elle me trouve même
parfois bien gourmand, alors que moi, j’ai
l’impression de devenir gourmet…. C’est vrai,
désormais, petit à petit, j’apprends à apprécier de
nous donner mutuellement notre plaisir, sans
remords ni culpabilité, quelle que soit la manière d’y
parvenir. Sans plus chercher à me fournir la preuve
que je suis un mâle performant.
Second déclic… L’ « accroc technique » et mon
voyage au Mans.
Un jour, au bureau, j’ai eu quelques problèmes avec
ma vessie et son sphincter artificiel. Magali était la
seule personne présente. Et le regard qu’elle a
posé sur moi n’a pas été celui que je redoute
généralement. Elle trouvait très naturel que j’en
parle. Cette manière de voir mon handicap m’a
vraiment mis en route, au propre comme au figuré !
A la fin du stage, j’ai eu la possibilité de participer
au jury devant lequel Magali devait défendre son
mémoire. C’était en France, bien sûr, au Mans.
Entreprendre un tel déplacement sans en profiter
pour découvrir la région et ses habitants, ce serait
dommage. Mais rester plus longtemps sur place
impliquera que je devrai faire un lavement là-bas …
Emporter mon matériel …En voiture ? En train ?
Veiller à ce que je dispose de la place des
commodités indispensables ? Et je serai seul pour
le faire ! Jamais je n’étais parti seul en sachant qu’il
faudrait faire un lavement durant mon voyage. Que
faire ? J’ai pensé renoncer au voyage.
Plongeon…
J’ai sauté dans le lac … J’ai écrit à Magali pour lui
expliquer qu’il me faudrait disposer si possible d’une
salle de bains avec WC, parce que pour aller à
selles, il me faut un lavement. En précisant aussi
qu’une fois au Mans, je lui en dirai plus sur mes
problèmes.
Sans marquer la moindre observation, au contraire :
avec beaucoup de tact, Magali a pris les dispositions
nécessaires. Et c’est même elle qui a trouvé la
solution sur place, quand j’ai constaté que les
aménagements ne répondaient pas tout à fait à mon
attente : pas moyen de suspendre l’irrigateur au
crochet disponible ! En fait, c’était même elle qui,
voyant ma mine soucieuse, avait remarqué que
quelque chose me tracassait : je n’osais pas lui dire
que je me demandais comment j’allais tirer mon plan !
Ce jour-là, j’ai enfin entrepris de lui raconter
l’histoire de mon handicap, sans aborder cependant
ses répercussions sur la sexualité, ce que je ne
ferai que bien plus tard. J’ai senti alors combien
Magali m’avait vu en fait comme une personne
normale. Dès le début de son stage, elle avait bien
remarqué ma manière de marcher (il aurait fallu être
aveugle pour ne pas le voir !). Cela ne l’avait guère
tourmentée que je n’en parle pas : elle s’était dit « Il
en parle s’il en a envie. Il en parle pas, c’est son
affaire ! ». Comme nous avons souvent travaillé
ensemble, elle avait aussi remarqué que je
« pétais » (là, elle aurait dû être sourde pour ne pas
le remarquer). Cela la faisait juste rire. Et c’est alors
que Magali m’a exprimé son admiration devant tout
ce que j’ai pu faire malgré mon handicap.
Je me suis alors rendu compte qu’il était possible
de parler de mon handicap sans aucune honte.
J’ai réalisé aussi que le fait d’en parler me
permettait d’abord d’entreprendre quelque chose
que je n’aurais jamais osé faire auparavant : partir
en voyage pendant plusieurs jours, seul et en train
et même loger « chez l’habitant ». A condition que
j’ose parler. Que j’ose affronter le regard des gens.
Que j’ose me convaincre qu’il n’y a aucune honte à
avoir envers mon handicap. Alors, tout peut devenir
possible. J’en recevais m êm e des
encouragements ! La preuve : en décembre 1999,
je suis à nouveau parti seul et en train, pour
participer à un colloque de trois jours à Paris.
Par ses questions, Magali m’a fait découvrir qu’il
serait temps que je m’attaque à ces blessures que
je traînais. Y compris celle qui encombrait ma
relation avec Brigitte depuis 1987. C’est à ce
moment que je me suis résolu à reprendre contact
avec la conseillère qui nous avait accompagnés à
cette époque, Brigitte et moi.
Je suis rentré bouleversé de ce premier voyage.
Comme si la carapace dont je m’étais affublé était
tombée en poussières … J’ai dû arrêter de travailler
pendant un mois tellement mon moral était bas. Je
ne savais plus du tout où j’en étais.
Les entretiens avec la thérapeute commencent…
Une évidence qui illuminait chaque entretien : ma
personnalité s’est construite autour de mon état de
handicapé.
Échos de l’ASBBF n° 1 — Mai 2002
Extrait 4
Témoignage d’André : Des catacombes à la lumière
Cet état a pu développer en moi des qualités qui
poussées à l’extrême deviennent parfois des
défauts et sont lourdes à encaisser pour les autres :
volonté de dépassement, d’arriver à un résultat,
perfectionnisme (d’où difficulté de prendre de la
distance par rapport aux gens et aux choses),
exigence envers moi-même et envers les autres,
capacité de travailler en solitaire (durant les longues
heures de rééducation que j’ai vécues, j’étais seul à
me battre contre moi-même), nécessité d’une
organisation stricte.
Mais ce handicap a aussi drôlement perturbé le
développement de cette même personnalité : elle
s’est construite également autour des non-dit, des
approximations au sujet de mon handicap, des
humiliations que j’ai subies, de la difficulté (de
l’impossibilité ?) pour moi d’accepter que je suis
handicapé, de le reconnaître et donc d’en parler
sereinement, puisque j’en ignorais même le nom
exact !
Toutes ces souffrances, il n’est pas possible de les
oublier. Mais il fallait les apprivoiser…
Au cours de ces entretiens, la thérapeute m’a invité
à parler de mon handicap avec mes parents, à
rencontrer d’autres personnes souffrant de SB.
Mais je refusais ces pistes. J’avais particulièrement
en horreur ce genre d’organisations qui créent des
ghettos en regroupant des personnes qui vivent les
mêmes problèmes. D’ailleurs, en existait-il ? C’était
une démarche impossible. Cela me faisait trop mal.
Même si ma raison raisonnable me disait que ces
interrogations, ces pistes allaient dans le bon sens.
Mais il fallait du temps pour que mon cœur
l’admette. Il fallait laisser le temps au temps. Je
n’avais pas le sentiment d’être un homme tout à fait
borné. Patience… Parce que « Il faut naître, souffrir
puis mourir pour renaître à la lumière. »
C’est alors que j’ai enfin osé dévoiler par écrit à
Magali les répercussions de mon handicap sur ma
vie sexuelle. Et son écoute pudique était toujours
pareille. Me remerciant même de la confiance que
je lui témoignais en lui confiant cette « intimité ».
Cette possibilité qu’elle m’a offerte d’aborder avec
elle à de multiples reprises cet aspect très
personnel de ma vie a été un levier, qui m’a permis
de formuler maintes questions, tout en me
renvoyant à chaque fois à moi-meme et à notre
couple, Brigitte et moi. Car, comme elle le disait
« Je ne peux pas me mettre à ma place, car je ne
peux pas connaître ce que tu as vécu ».
Internet
Et le dimanche 9 janvier 2000, j’ai tapé les mots
« Spina Bifida » sur un moteur de recherche
Internet.
Ensuite, je suis tombé notamment sur un site suisse
francophone : le site SpinaBifidaSuisse créé par
des parents d’une fillette atteinte d’un SB. Leur but
est de permettre à d’autres parents et à des
personnes atteintes de SB de se rencontrer sur la
toile, d’échanger leurs expériences, d’exprimer leurs
questions, leurs doutes, leurs inquiétudes, …
Ce fut pour moi une révélation. Dans le groupe de
discussions, j’ai trouvé de nombreuses questions en
rapport avec l’incontinence et, surtout, la sexualité.
Il m’arrivait de me demander si ce n’était pas moi
qui étais obsédé par la question. Qui faisait une
fixation sur ce problème. Je me suis rendu compte
que non. Réaliser cela n’apporte aucune solution.
Mais soulage drôlement ! Et ce qui ne gâte rien, des
propositions de solutions, il y en a !
Quel chamboulement alors dans ma tête. Je
découvre qu’il existe un peu partout des
associations en lien avec le SB : en Flandre, en
France, en Allemagne, dans de nombreux pays.
Mais qu’il n’y a rien en Belgique francophone ! Qu’il
existe aussi une Fédération Internationale de ces
associations. Qu’un congrès mondial se tenait en
septembre à Toulouse !
Quelle révélation aujourd’hui ! Il y a des tas de gens
qui vivent la même chose que moi, qui en discutent
et qui le mettent sur la place publique. Je n’étais
donc pas seul à connaître tous ces problèmes que
je rencontrais ! Beaucoup d’autres personnes
atteintes de SB vivaient la même chose que moi !
Pour moi, quelle libération de pouvoir parler de tout
cela, dans un premier temps de manière anonyme.
J’ai alors pris ma plume, ou plutôt mon clavier. Pour
apporter ma petite contribution au forum de
discussion sur le site SpinaBifidaSuisse.
Ces contacts naissants m’ont permis de constater
que la vie sexuelle des personnes avec SB est
différente, mais peut être tout aussi épanouissante.
La lecture de témoignages, l’écoute de Bernadette
Soulier et la lecture de son livre nous ont confirmés
dans les pas que nous avions commencé à franchir,
Brigitte et moi, après bien des difficultés tant je
ressentais cela comme une dévalorisation de mon
rôle de mâle qui doit pénétrer. Nous y avons trouvé
l’audace d’en parler encore plus librement entre
nous. Et les découvertes n’en ont été que plus
riches et sources de joie intense. Se parler ! C’est
toujours primordial.
Échos de l’ASBBF n° 1 — Mai 2002
Extrait 5
Témoignage d’André : Des catacombes à la lumière
Un couple peut tenir autrement que par le coït, la
pénétration. Le couple a bien sûr besoin de
relations amoureuses, de relations sexuelles. Mais,
avant toute pénétration, les partenaires ont besoin
d’affection, de tendresse, d’approche sensuelle de
leurs corps, de découvertes des zones érogènes. Et
cela, les personnes SB en sont tout aussi capables
que n’importe quelles autres personnes
amoureuses !
Les personnes atteintes de SB ont perdu une
grande partie de la sensibilité, là où c’est tellement
important quand on fait l’amour ? Érotiser la partie
supérieure du corps (bouche, cou, oreilles, seins,
…) permet de pallier l’insensibilité de la région
génitale et de provoquer un para-orgasme…Aux
partenaires de mettre en place des compensations
à l’insensibilité des organes génitaux, aux
partenaires de rechercher et d’expérimenter sans
tabou les gestes tendres qui éveillent en eux le plus
de plaisir, autrement que par la pénétration !
Tendresse et caresses retrouvent la place qu’elle
ne devraient jamais perdre.
Et encore une fois, il a été important pour moi de
constater que ces limites, je ne suis pas le seul à
les connaître. Et que nos explorations, à Brigitte et
à moi, nous ne sommes pas seuls à les
entreprendre. Même si Brigitte trouve que ces
déballages sur Internet sont impudiques. Moi, je
pense que vraiment, ici, la fin justifie les moyens.
C’est un principe auquel je n’adhère pas,
d’habitude. Mais ici, je trouve que les moyens ne
lèsent absolument personne, et que cela permet de
fameuses libérations !
Au gré de ces lectures, rencontres, découvertes, Je
commençais à entrevoir ce qui pourrait naître de
tout le remue-ménage commencé un an plus tôt. Et
entrevoir quelle pourrait être ma reconversion ,
puisque j’étais sur le point de quitter mon boulot :
contribuer à l’existence d’une assos SB
francophone.
Et alors, c’est la rencontre avec Serge. D’abord sur
Internet. Et puis en chair et en os. Rencontre Qui
débouchera sur le démarrage de l’Association
Spina Bifida Belge Francophone.
Vous connaissez les objectifs de notre association.
Mais à titre personnel, ma priorité, c’est de faire
exister un lieu de rencontre entre personnes
atteintes de SB. Offrir la possibilité à toute personne
atteinte de SB et qui a un moment ou l’autre de sa
vie désire rencontrer, discuter, poser des questions
à d’autres personnes atteintes de la même
malformation. A tout le moins, que cette personne
sache qu’une telle association existe. A elle de faire
le pas quand le besoin s’en fait sentir.
Et surtout, briser le tabou qui entoure nos
problèmes d’incontinence. Et de sexualité. Des
personnes compétentes se sont penchées sur la
question. Des documents écrits sont disponibles (et
parfois depuis très longtemps, même : pourquoi ne
pas les avoir diffusés plus tôt ?). Des possibilités
adaptées aux problèmes de chacun-e existent. Il
faut oser en parler pour les faire connaître et les
adapter aux attentes de chacun-e. Ainsi chacun-e
pourra vivre aussi une vie affective et sexuelle
enrichissante, indispensable à son équilibre
personnel, et à son intégration dans la société.
Cela me semble être un droit tout aussi élémentaire
que la nourriture, le logement, le vêtement,
l’instruction,…
André (53 ans)

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